Dictionnaire international des militants anarchistes
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KOTOKU Denjiro “Shusui”
Né le 5 novembre 1871 à Nakamura - pendu le 24 janvier 1911 - Journaliste – Tokyo - San Francisco
Article mis en ligne le 6 juillet 2019
dernière modification le 7 mars 2024

par R.D.
Denjiro Kotoku

Journaliste au Yorozu Chôzô, (les mille nouvelles du matin), Denjiro Kotoku, qui était un des pionniers du socialisme japonas, en avait démissionné à la veille de la guerre russo-japonaise (1903) suite à la position belliciste prise par le journal et avait fondé le 7 octobre 1903 à Tokyo l’organisation Heimin-sha (Société plébéienne) avec Toshihiki Sakai, lui aussi démissionnaire du journal comme K. Nishikawa et S. Ishikawa. Avec ces derniers il fondait alors l’hebdomadaire Heimin Shimbun (Le journal du Peuple) qui fut rapidement interdit par les autorités et son imprimerie confisquée
Lors de la prise de Port Arthur en février 1904, Kotoku et ses compagnons publièrent un manifeste internationaliste prêchant la solidarité des peuples qui lui valut d’être condamné à 5 mois de prison tandis et Nishikawa à 7 mois.
Il éditait ensuite le journal Hikai (La Lumière) interdit à son tour, puis Chokcugen (Droit au but) qui subit le même sort.

Poursuivi pour « infraction à la loi sur la presse, il fut interné à la prison de Sugamo en février 1905. C’est en prison qu’il commença une correspondance avec un vieux militant de San Francisco, Albert Johnson, qui lui envoya un exemplaire du livre de Kropotkine « Champs, usines et ateliers », l’adresse et une photo de Kropotkine. C’est à la lecture de cet ouvrage et à la correspondance avec son auteur que Kotoku devint anarchiste.
Libéré en juillet 1905, il s’embarqua en octobre pour la Californie où à San Francisco il allait fondé une branche américaine de la Heimin-sha et être témoin du grand tremblement de terre.
Déçu par l’attitude réformiste du parti socialiste américain et choqué par la xénophobie du mouvement syndical envers l’immigration japonaise, il entra en contact avec notamment les IWW et allait adopter les conceptions anarchosyndicalistes de l’action directe et de la grève générale.

A son retour au Japon en juin 1906, il s’opposera au parlementarisme et se fera l’avocat de l’action directe. Lors du 2e congrès du Parti socialiste du Japon le 17 février 1907 à Tokyo, il présenta une motion sur « l’action directe » qui arriva en deuxième position après une motion majoritaire de compromis et une motion battue défendant une ligne sociale-démocrate.

Il fut également le fondateur de la revue mensuelle anarchiste communiste Tatsu Kwa (Le fer et le feu) qui fut interdite par les autorités.

Kotoku, qui avait adhéré au Bureau international issu du congrès anarchiste international tenu à Amsterdam en août 1907, signalait en mars 1908 dans une lettre adressée au Réveil (Genève) les difficultés à faire de la propagande anarchiste ouvertement : “l’emploi du mot anarchie coûtant à lui seul de l’amende ou de la prison” d’où la nécessité de déguiser sa doctrine sous l’épithète d’un vague socialisme et d’agir en secret.

Il relança semble-t-il une édition quotidienne du Heimin Shimbun qui ne tarda pas à être interdite et fonda la revue Notre Prolétariat qui subit le même sort.

Pendant son séjour à Tokyo en 1910, les persécutions policières l’avaient obligé à s’exiler à une centaine de kilomètres avec Suga Kanno à Yugawara. Il écrivait alors à Albert Johnson : “Durant mon séjour à Tokyo, les policiers ne me quittaient pas. Tous mes mouvements étaient illégalement et lâchement empêchés par eux et j’étais incapable de gagner ma vie”(cf. Les Temps nouveaux, 27 mai 1911).

En 1909, il publiait le journal Jiyu shiso (La pensée libertaire, 2 numéros) dont sa compagne Suga Kanno était la directrice. ; le journal fut interdit et Suga Kanno condamnée à une lourde amende qu’elle ne put acquitter fut envoyée au bagne le 18 mai 1910.
Arrêté à son tour et accusé sans preuves d’avoir voulu “piller les riches, brûler les locaux du gouvernement, assassiner les hauts fonctionnaires, attaquer le palais impérial et avoir préparé un attentat contre l’empereur”, Kotoku fut condamné à mort à l’automne 1910 avec 24 autres camarades socialistes et anarchistes - dont sa compagne Suga Kano, Tadao Nimura, T. Miyashita, et Furukawa -. Douze des condamnés eurent leur peine commuée mais Kotoku fut exécuté avec sa compagne et les autres le 24 janvier 1911 puis fut incinéré selon sa volonté.

Il semble que sa mère, âgée d’une soixantaine d’années, ait pu lui rendre visite en prison et après lui avoir dit "Sois brave mon fils, sois brave", était repartie dans sa demeure de l’île de Tosa où, selon la tradition samouraï, elle se serait suicidée.

Une campagne internationale avait été menée notamment en Grande Bretagne, aux États-Unis et en Frace où, en décembre 1910, une pétition réclamant sa libération et signée par de nombreux compagnons – dont Charles Albert ; Chaughi, Fanny Clar, C. Cornelissen, Victor Dave, Delesalle, Lucien Descaves, Anatole France, Grandjouan, Jean Grave, C. A. Laisant, Maximilien Luce, Octave Mirbeau, Domela Nieuwenhuis, Aristide Pratelle, Paul Reclus, Signac, Steinlen, Kupka, Van Dongen et Charles Malato – avait été remise à l’ambassade du Japon à Paris où un meeting avait également été tenu salle des Sociétés savantes.

Kotokul avait été le traducteur de " La conquête du pain" de Kropotkine et de divers autres textes de Kropotkine, de Bakounine, Tolstoi, Marx.

Dans une dernière lettre écrite quelques heures avant son exécution il avait écrit : “Les bons prospèrent et les mauvais périssent, c’est l’enseignement de la morale nippone. Nous anarchistes, nous mourrons sans croire à une survie. A l’heure présente je me sens allégé du poids de l’existence. Bien que je ne connaisse pas exactement le moment de notre exécution, je lirai et écrirai le plus possible avant de retourner au sein de notre mère commune, la terre. Me sympathies vont vers ceux qui partagent mon sort. Quelques uns sont jeunes. D’autres ont femmes et enfants. Ainsi que moi, ils ne sont que des naufragés” (cf. Les Temps nouveaux, 20 mai 1911).