Dictionnaire international des militants anarchistes
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DRUELLE, E. “SABIN” ?
Ouvrier électricien ; indicateur ? - Paris
Article mis en ligne le 13 juillet 2018
dernière modification le 27 octobre 2023

par R.D.

Au printemps 1882 E. Druelle était membre de la Jeunesse anarchiste socialiste du XVe arrondissement. Puis il avait adhéré& au groupe anarchiste du XVe Les Misérables fondé en novembre 1882 par Hemry Dufoug, Laval et Lefevre.
Druelle avait été en 1884 avec Denéchère l’un des promoteurs du journal Terre et liberté (n°1, 25 octobre 1884) d’Antoine Rieffel. Il était également à cette époque le secrétaire de la commission de secours aux familles de détenus politiques dont Gallais était le trésorier. Il aurait été également, avec notamment Deherme et Borde, l’un des animateurs du groupe Les Indisciplinés de Montmartre qui se réunissait rue de Clignancourt (XVIIIe arr.)

En mai 1884, lors de l’hommage à la Commune au cimetière du Père Lachaise, au nom du "parti anarchiste et des anarchistes résidant à Londres" il avait pris la parole avec Roussel et Denechere devant un groupe important de compagnons dont ceux de la chambre syndicale des cordonniers et leur bannière noire et le groupe Les Insurgés portant aussi “un magnifique drapeau noir surmonté d’une cocarde rouge" (cf. L’Affamé)

Il faisait essentiellement de l’agitation chez les sans-travail et, selon Le Cri du peuple (25 novembre 1884) aurait dit lors d’un meeting : « Si vous aviez de l’énergie, vous ne resteriez pas une minute de plus ici. Vous n’avez pas de pain ? Il y en a dans les boulangeries. Qu’on les pille ».

Accusé d’être un agent provocateur par Le Cri du Peuple et L’Intransigeant, son cas fut examiné les 27-29 novembre 1884 par un jury d’honneur comprenant 16 personnalités de tous les courants révolutionnaires dont pour les anarchistes Hémery Dufoug, H. Ferré, Tony Graillat et Constant Martin. Il avait été établi, notamment à partir d’un fragment de lettre de son écriture adressé à la Préfecture, que Druelle était entré au service de la police le 30 décembre 1883, qu’il avait pris comme nom de code Sabin, du nom du Saint-de ce jour, et touchait 300 francs par mois de la préfecture de police.
Le verdic fu publié dans Le Cri du peuple du 2 décembre 1884 : « Les soussignés convoqués par Le cri du peuple déclarent à l’unanimité, après les pièces fournies et les témoignages entendus, que le nommé Druelle est un agent secret de la 2e brigade de recherches ». Le même jury avait également été démasqué les mouchards Bausan Brice, Lefèvre Gontran, Hérivaux Hilaire et Plisson Soudrat et Felix.
Par la suite les anarchistes du jury d’honneur demandèrent un supplément d’enquête (cf. Terre et liberté, 6 décembre 1884), mais l’affaire ne fut jamais éclaircie. Mi décembre une réunion anarchiste se tint salle du commerce, à laquelle participèrent notamment Chaumat, Constant Martin, Ferré et Graillat membres du jury d’honneur, Leboucher, Couchot, Duprat, Digeon, Roussel, Martinet, Miche, Gallais, Lavaud, Tortelier et Druelle qui réfuta les accusations portées contre lui et dénonça les manœuvres du Cri du peuple et de Hemery Dufoug avec lequel il était fâché. Il avait notamment déclaré : « ..On m’accuse d’avoir livré un manifeste, c’est faux. On m’a accusé d’avoir livré Ely. Quand Ely a été arrêté, il y avait plus de quinze jours qu’il était là, et il courait dans les réunions avec une grande imprudence. Et Tony Graillat ! qui m’accuse et croit encore que je suis un mouchard, Tony Graillat, comment se fait il qu’il soit ici, si je suis un mouchard ? Je peux l’envoyer au bagne » ; Graillat avait alors admis que Druelle connaissait ses secrets comme ceux de beaucoup d’autres qu’il aurait pu compromettre. Druelle avait également affirmé que le fragment d’écriture provenant soi disant de la Préfecture venait en fait d’une lettre qu’il avait écrite au Cri du Peuple. Il se défendit également contre l’accusation d’avoir « gaspillé l’argent des détenus politiques. Je ne dois des comptes qu’à la commission. Si je ne les rend pas d’une façon complète, on aura le droit de m’appeler voleur. Jusques-là, personne n’a le droit de m’incriminer ». A l’issue de cette réunion avait été votée la résolution suivante : « La réunion, considérant qu’il n’y a pas de preuves contre Druelle, est d’avis qu’il a le droit, n’état pas un mouchard, de brûler la cervelle à son premier accusateur » (cf. Terre et liberté, 20 décembre 1884).

Le 10 janvier 1885, lors d’une réunion du groupe Les Misérables, du XVe arrondissement le compagnon Arcougeon avait également affirmé que Druelle, contrairement à ce qu’il avait affirmé, n’avait pas été renvoyé de la Compagnie du gaz pour ses idées révolutionnaires, mais pour détournement d’argent ; d’autres compagnons du groupe – dont Miche, Lefevre, Lecommte – avaient également fait part de divers comportements suspects de Druelle.

En décembre 1885, lors d’une réunion du groupe La Vengeance, il avait été sommé de rendre 220 francs qu’il aurait dissipé à la commission de secours aux détenus sous peine de voir son nom révélé dans les journaux. Il aurait alors répondu que “si on l’attaquait, il ne rendrait pas l’argent et qu’il ferait paraître une brochure donnant les noms des anarchistes qui ont gaspillé l’argent qui leur avait été donné pour fabriquer de la dynamite” (cf. APpo BA 1505).

Dans son livre Les anarchistes, Jacques Prolo classe Druelle parmi les agents infiltrés par la police. Il pourrait s’identifier avec le Sabin, un indicateur qui envoya des rapports pendant toute l’année 1884.


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