Dictionnaire international des militants anarchistes
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BERRICHON, Paterne [DUFFOUR, Pierre, Eugène dit ]
Né le 10 janvier 1855 à Issoudun (Indre) – mort le 30 juillet 1922 - Peintre, poète et sculpteur – Paris
Article mis en ligne le 25 novembre 2017
dernière modification le 7 mars 2024

par Dominique Petit, R.D.
Paterne Berrichon

Pierre Dufour fit ses études au collège de Chezal-Benoit (Cher) puis au Lycée de Châteauroux (Indre). Sa mère mourut en 1868 et son père en 1872.
Il vint à Paris pour suivre les cours de l’École des Beaux Arts, pour gagner de l’argent, il fit des dessins pour le journal le Tour du monde et d’autres publications similaires.

A l’appel de la classe 1875, il fit son service militaire et fut condamné à 2 ans de prison, pour refus d’obéissance. Gracié au bout de 16 mois, il termina son service à Tours.

Revenu à Paris, bientôt, il abandonna la peinture, pour se mêler au mouvement littéraire. Il publia des vers dans plusieurs revues, il se lia avec Verlaine et fréquenta les réunions littéraires, les jeudis de chez Clarisse, rue Jacob et les samedis du Soleil d’Or, place Saint-Michel, où il faisait sensation avec sa barbe de missionnaire. C’est là qu’il changea son nom et devint Paterne Berrichon : Paterne pour rappeler l’église Sainte-Paterne d’Issoudun et Berrichon, parce qu’il était originaire du Berry.

En 1886, Paterne Berrichon fut le secrétaire de rédaction de la revue Le Décadent (des n° 18-20 de la première série), fondée la même année par Anatole Baju, instituteur, admirateur de Verlaine. La revue eut pour contributeurs Paul Verlaine, Laurent Tailhade et publia, entre 1886 et 1888, plusieurs faux poèmes d’Arthur Rimbaud, jusqu’à ce que Verlaine mit fin à cette mascarade organisée par Laurent Tailhade.

Le 18 juillet 1887, Pierre Dufour, participa avec d’autres anarchistes membres de la Ligue des Antipropriétaires - Jules Leroux, Lucien Bécu, Jean Couchot, Louis Thirion, Mathias Lamensfelt, Laurent Ansiaux - au déménagement à la cloche de bois de Mme Delacourt, chanteuse de café-concert, au 38 de la rue des Abesses. A l’aide d’une voiture à bras, les huit déménageurs se précipitèrent dans l’escalier et, en dépit du concierge, enlevant les meubles de la locataire, saisis par la justice. Le concierge, plus ou moins battu, appela la police qui arrêta la bande.
Pendant la durée de sa détention préventive à Mazas, Pierre Dufour refusa tout d’abord de décliner son identité, puis il adressa à M. Dopfer, juge d’instruction chargé de l’affaire, un rondo intitulé Fleur âcre, poème décadent, commençant ainsi :
« L’ordre Misère au front nous crache
Les tumultes des Désespoirs
Vitreux crachats gluants et noirs
Corrodant l’Homme sous leur tache
 »
Lors de l’audience du tribunal correctionnel de la Seine le 18 août 1887, Pierre Dufour fut acquitté, ne sachant pas que les meubles étaient saisis, Mme Delacour fut condamnée à un mois de prison et Jean Couchot à 4 mois, pour avoir saisi le concierge à la gorge.
Mécontent de l’attitude de la presse lors du procès, Dufour participa à une conférence organisée par la Ligue des Antipropriétaires, salle Gaucher, rue de la Montagne Sainte-Geneviève, avec le compagnon Murjas. Il y affirma qu’il n’était pas un poète égaré au milieu des anarchistes ; il assuma la responsabilité de l’acte révolutionnaire qu’il avait accompli et exprima sa solidarité avec Mme Delacour, jugeant les poursuites illégales. Il termina en lisant le poème qu’il avait composé à Mazas où écrivait-il : « Rêvent les ARRÊTES à mines miséreuses ! ».

Le 31 octobre 1887, Paterne Berrichon participait à une soirée poétique, organisée par la revue le Grillon, sous la brasserie du Griffon, avec Paul Paillette, Léonard du groupe anarchiste du Panthéon et Murjas. Il y récita son Sonnet à une lesbienne, réquisitoire contre les mœurs de la société bourgeoise et fit le récit de son séjour à Mazas, pour délit politique.

En 1890-1891 il était régulièrement signalé dans les réunions des groupes parisiens, notamment celles du Cercle anarchiste international de la salle Horel et du groupe de la Goutte d’or rue Myrha.

En 1896, il publia une première plaquette, sous le titre Le Vin Maudit, avec une préface en vers de Verlaine.

Il collabora au journal quotidien La Renaissance (Parution : 1895-1896) animé par Pol Martinet, à la Revue blanche (Parution : 1891-1903), à la rubrique Chroniques d’art du Libertaire (1895) et semble-t-il, à Sur le trimard, de Mécislas. Goldberg.

Sa misère financière le conduisit à ne pas manger tous les jours, et faire de fréquents séjours à l’hôpital. On pouvait le rencontrer dans les cabarets et bouges de Montmartre. Il demeurait dans une maison de la Rive gauche à l’entrée de laquelle coulait un ruisseau infect. Puis il eut une maîtresse qui l’entretenait et avec laquelle il habitait 50 rue Lhomond (Ve arr.).

Il entama une correspondance avec Isabelle Rimbaud, la sœur cadette du poète, qui se termina en 1897 par un mariage. Dès lors, ensemble, ils s’attachèrent à créer un véritable culte, empreint d’une forte volonté idéologique, liée aux valeurs traditionnelles, de respectabilité et de moralité. Berrichon reniait à cette occasion ses idées anarchistes. Leur volonté première fut de réaliser une présentation angélique de Rimbaud en gommant les périodes sulfureuses du poète, en cherchant à prouver que la relation avec Paul Verlaine fut chaste, et qu’Arthur Rimbaud retrouva la foi catholique sur son lit de mort. Dans l’édition des œuvres d’Arthur Rimbaud, Paterne Berrichon fit disparaître un tiers au moins des poèmes et deux tiers environ de la correspondance.
Paterne Berrichon n’hésita pas, avec le concours de sa femme, a spolier le frère de Rimbaud de ses droits, sur les publications du poète et continua à percevoir les droits d’auteur après le décès d’Isabelle Rimbaud.

Il décéda le 30 juillet 1922 à La Rochefoucauld (Charente)

Œuvre : — Le Vin Maudit [Texte imprimé] : petits poèmes / Paterne Berrichon ; avec un frontispice de Paul Verlaine. Publication : Paris : L. Vanier, 1896
— Poèmes décadents, Paterne Berrichon. 1883-1895… [Texte imprimé]. Publication : Paris, A. Messein, 1910. - In-16, 135 p., portrait h. t.


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