Dictionnaire international des militants anarchistes
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DUVAL, Jean “Camille MOSSET”
Né à Lille (Nord) le 29 janvier 1891 – se suicide le 30 juillet 1980 - Ouvrier du bâtiment ; garçon de café - Lille (Nord) – Paris – Cayenne - Bruxelles -
Article mis en ligne le 28 mars 2007
dernière modification le 7 septembre 2023

par R.D.
Jean Duval

Né d’un père doreur sur bois, “dont la tendresse n’était pas la qualité dominante, et d’une mère qui après avoir eu grand-peine à élever ses six gosses devait succomber d’épuisement” alors qu’il avait sept ans, Jean Duval avait été placé à l’horphelinat comme deux autres de ses frères. Quelques années plus tard, son père qui s’était remarié, reprenait les enfants. Petit à petit les ainés quittaient la famille divisée par les querelles, puis ce fut le tour de Jean, à peine âgé de 14 ans, de quitter le toit familial. Il trouvait un emploi de plongeur dans un café, mais me menu larcin d’un pourboire le conduisait devant le juge pour enfants qui l’envoyait en maison de correction jusqu’à sa majorité.

Il en sortit à 19 ans sur garantie de l’un de ses frères qui l’aceuillit à Douai. Là, il ne trouvait pas de travail – ce qui risquait de le renvoyer à la maison de correction -, et sur la pression de son aîné, s’engageait pour cinq ans à Vesoul. Perméable à l’agitation antimilitariste menée par la CGT à l’époque, il désertait rapidement. Repris, suite à une dénonciation, il était condamné à 18 mois de prison à purger au pénitencier d’Abbeville en Savoie. A sa libération, une fois sa peine purgée, il était aussitôt renvoyé dans une nouveau régiment dont il désertait immédiatement. Il allait alors à Paris où il travaillait comme terrassier sur les chantiers du bâtiment et adhérait aux idées libertaires. Il était nommé vers 1913 trésorier du groupe des Jeunesses libertaires. Mais décidé à se venger des sévices subis à Abbeville, et après avoir semble-t-il détourné une somme de la trésorerie du syndicat, il achetait un revolver et se rendait sur place où il tirait sur le capitaine et l’adjudant responsables du pénitencier, les blessant légèrement. Blessé à la jambe par les gendarmes accourus sur place, Jean Duval retournait son arme et se tirait une balle dans la tête. Il n’était que blessé et était hospitalisé avant d’être interné à la prison de Chambéry.

Lors du procès, où la peine de mort avait été réclamée par le procureur, il était condamné aux travaux forcés à perpétuité. Lors du procès, à la question du président qui lui avait demandé s’il était anarchiste, il avait répondu : “Je ne suis pas assez instruit pour me croire et me dire anarchiste. Mais, s’il suffit, pour être anarchiste, de souffrir de la souffrance des autres et de combattre votre société, cause de tant de malheurs, alors je suis anarchiste”.

Envoyé à Cayenne, il allait y rester dix ans, et après plusieurs tentatives, parvenait en 1923 à s’évader et à passer au Brésil. Début 1924 Le Libertaire, qui ignoorait son évasion, lançait une campagne pour son amnistie.

En 1926, avec l’aide de compagnons, et sous le nom de Camille Mosset, il parvenait à s’installer à Bruxelles où, avec l’aide de Jean De Boe, il allait travailler comme garçon de café et obtenir la nationalité belge. Dénoncé en 1933 (ou 1936 ?) par un ancien ami parisien qu’il avait revu de temps à autre et qui avait été arrêté pour escroquerie, Jean Duval était alors condamné pour usage de faux papiers et faux passeport puis extradé en France.

Les juges de Chambéry, ne tenant aucun compte de sa vie exemplaire en Belgique, l’envoyaient alors à la Maison centrale de Fontevrault, le bagne de Cayenne ayant été entre temps supprimé. C’est là qu’en septembre 1940, il allait prendre contact avec Nicolas Faucier, interné pour avoir refusé l’ordre de mobilisation, et qui se souvient : “… Tandis que nous tournons en rond et qu’un gardien placé au centre de la cour règle la cadence du martèlement des sabots des 80 condamnés aux travaux forcés, l’un de mes co-détenus, trompant la surveillance du gaffe, a réussi à se glisser derrière moi et me chuchote : Duval, anarchiste, que j’ai vu au dortoir, te fait savoir sa présence ici et voudrait te voir… le reste est simple. Malgré les obstacles de la vie en central, où la surveillance ne se relâche pas un instant pour faire respecter la loi du silence, et bien qu’isolé dans des ateliers différents – lui aux filatures, moi au paillage de chaises – nous réussîmes à prendre contact à plusieurs reprises, quelques secondes, assez pour lui faire comprendre que, si j’en sortais, je ferais tout pour sa libération.”

A la libération, une "mesure de grâce" du 14 juillet 1945, réduisait sa peine à 20 ans d’emprisonnement. N. Faucier, qui était parvenu à s’évader en décembre 1943, entreprenait alors une campagne qui permettait en 1949 d’obtenir la libération de Jean Duval, définitivement libéré à 58 ans.

Dans les années 1960, Nicolas Faucier ouvrait dans les colonnes de Liberté de Louis Lecoin, une souscription en faveur de Duval, qui vivait à Lille, économiquement faible, souscription qui en juin 1966 avait rapporté 4.000 nouveaux francs. Puis Duval, dans les années 1970 était admis à la Maison de retraite de la Libre Pensée près d’Angers, d’où fin juillet 1980 il écrivait à Faucier : “Chers amis, ce mot sera le dernier que je vous adresse… Vous devez comprendre ma situation, entre autres ennuis de santé, maintenant je ne peux plus marcher et je sens bien que je suis une charge de plus en plus lourde pour mon entourage. Je préfère donc en finir une bonne fois. Cette nuit, je me passerai la corde au cou. C’est la meilleure solution. J’en fais part également à quelques autres amis et je laisse un mot à ceux d’ici pour leur confirmer ma volonté de léguer mon corps à la médecine… Je vous souhaite bon courage, pour moi c’est terminé.  » Jean Duval se pendant dans la nuit du 30 juillet 1980.


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