Dictionnaire international des militants anarchistes
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DUVAL, Clément
Né dans la Sarthe en mars 1850 – mort le 29 mars 1935 - Ouvrier serrurier - Paris – Cayenne – New York
Article mis en ligne le 27 mars 2007
dernière modification le 14 septembre 2023

par R.D.
Clément Duval

Clément Duval, blessé à deux reprises pendant la guerre de 1870, avait été cassé de son grade de caporal pour indiscipline. Devenu anarchiste, il avait été avec A. Ritzerfeld l’un des fondateurs à l’automne 1882 dans le 17e arrondissement du groupe La Panthère des Batignolles, dont l’ordre du jour de la première réunion, paru dans L’Etendard Révolutionnaire du 15 octobre, portait sur “la confection des bombes à main”. A cette époque furent également membres du groupe Vinot, Lapierre, Duprat, Molas, Graillat, Caron, Ferré, Grenotté, Houchard et Boiry qui se réunissaient généralement dans un débit de vins de la rue Legendre.

Suite à l’arrestation en octobre 1886 d’un receleur, Clément Duval était accusé d’avoir été l’un des auteurs du cambriolage effectué le 5 du mois dans un hôtel particulier de la rue de Monceau qui avait été ensuite incendié par les voleurs. Lors de son arrestation, il blessait, “au nom de la liberté”, de plusieurs coups de couteau l’agent Rossignol qui l’apréhendait “au nom de la loi”. Emprisonné à Mazas, Duval se justifiat dans Le Révolté (12 novembre 1886) d’une condamnation à un an de prison pour vol en 1878. Lors du procès aux assises, le 11 janvier 1887 Duval justifiait son action dans une longue déclaration : “… Soyons logique, vous êtes la force, profitez en et s’il vous faut encore une tête d’anarchiste, prenez la, le jour de la liquidation on vous en tiendra compte… Vous m’inculpez de vol, comme si un travailleur qui ne possède rien pouvait être un voleur. Non, le vol n’existe que dans l’exploitation de l’homme par l’homme, en un mot par ceux qui vivent aux dépens de la classe productrice. Ce n’est pas un vol que j’ai commis, mais une juste restitution faite au nom de l’humanité, cet argent devant servir à la propagande révolutionnaire par l’écrit et par le fait… Ce n’est pas un voleur que vous condamnerez en moi, mais un travailleur conscient, ne se considérant pas comme une bête de somme, taillable et corvéable à merci, et reconnaissant le droit indéniable que la nature donne à tout être humain : le droit à l’existence. Et lorsque la société lui refuse ce droit, il doit le prendre et non tendre la main, c’est une lâcheté dans une société où tout regorge… Non ! Je ne suis pas un voleur mais un volé, un justicier, qui dit que tout est à tous, et c’est cette logique serrée de l’idée anarchiste qui vous fait trembler sur vos tibias. Non je ne suis pas un voleur, mais un révolutionnaire sincère, ayant le courage de ses convictions et dévoué à sa cause. Dans la société actuelle, l’argent étant le nerf de la guerre, j’aurais fait tout ce qui était en mon pouvoir pour m’en procurer, pour servir cette cause si juste, si noble, qui doit affranchir l’humanité de toutes les tyrannies, les persécutions dont elle souffre si cruellement  ».
Le 12 janvier, lors de l’audience de la Cour d’assises à laquelle avaient participé de nombreux compagnons - dont O. Jahn et Tortelier -, Duval, dont la défense avait été éditée à 50.000 exemplaires sous le titre Le Pillage de l’hôtel Monceau – l’anarchiste Duval devant ses juges – Défense que devait prononcer le compagnon Duval (38x52 cm, 5 colonnes) (voir Portfolio), était condamné à mort. Puis la peine était commuée en février en travaux forcés à perpétuité.
A l’audience, il avait notamment déclaré : “Mon domicile, c’est dehors. J’ai asse souvent couché dehors, comme en 1870 ; j’en ai encore des marques sur le corps. Je ne veux pas être sali par la main d’un mouchard et, la deuxième raison pour laquelle j’ai frappé Rossignol, c’est qu’étant anarchiste, je ne reconnais pas la loi. C’est au nom de la loi que vous violez nos domiciles, que vous envoyez vos satellites nous saisir à la gorge. Je suis un révolté, j’ai le droit de l’être. J’ai le devoir de l’être… Je ne reconnais pas à des hommes de juger d’autres hommes… Vus devez trembler sur vos tibias à la pensée de la Révolution qui vous menace… Vive l’anarchie ! Vive la révolution sociale !

Duval, matricule 21551, arrivait en Guyane le 24 avril 1887 à bord de "L’Orne" en provenance de Toulon. Il fut envoyé aux Iles du Salut où il resta 14 ans, dont de nombreux mois de cachot, et tenta à dix-huit reprises de s’évader.
Les 22 et 23 octobre 1894, lors de la révolte et du massacre des anarchistes à l’île Sait Joseph (voir Simon Biscuit), Duval se trouvant avec Paridaine et Pini à l’île Royale, n’y participa pas ce qui n’empêcha pas qu’il fut jeté au cachot avec ses compagnons.

Transféré à Saint-Laurent-du-Maroni, il parvenait à s’évader avec huit autres le 14 avril 1901 et à gagner la Guyane anglaise d’où, le 17 juillet 1901 il écrivait à Jean Grave pour lui demander une aide de 500f, n’ayant ni travail, ni argent et disposant d’un mois pour quitter la colonie. Il se réfugiait ensuite pour un temps à San Juan de Puerto Rico. Il avait été inscrit à l’état vert n°2 des anarchistes disparus et/ou nomades "à arrêter en cas de découverte".

En 1890 diverses collectes avaient été faites pour permettre à sa femme de le rejoindre. Celle-ci, sur le point d’embarquer au Havre à la fin de l’été 1890, avait renoncé et était revenue à Paris où elle avait rendu au Cercle anarchiste international la souscription de 450 francs faite en sa faveur. Cette somme avait ensuite été remise à Paul Reclus en vue de l’achat d’une presse à imprimer.

En 1903 Clément Duval parvenait à gagner les États-Unis où il était aidé par des anarchistes français et italiens. Il rédigeait ses mémoires publiées en 1907 en feuilleton dans le journal italien Cronaca sovversiva (New York) où elles avaient été traduites par Luigi Galleani et dont quelques pages seront publiées en France par L’En dehors (octobre 1926 et mai 1931) et qui furent éditées en 1929 à New York, sous le titre Memorie autobiografiche, par les compagnons de L’Adunata dei Reffratari. Il aurait collaboré à plusieurs numéros de La Revue anarchiste (Paris, 25 numéros de décembre 1929 à avril 1936).
Clément Duval est mort à Brooklyn le 25 mars 1935. Il avait passé ses derniers mois chez Max Sartin et Fiorina Rossi qui se souvenant de lui, témoignait : “C’était un vieux petit homme, déformé par l’arthrite. Mais il faisait sa gymnastique tous les matins. Un camarade français, médecin, venait à la maison pour l’examiner. Nous l’appelions ’Il Nonno’, le grand-père, et les voisins pensaient que c’était le père de Max".

L’essentiel de ses mémoires a été publié et présenté, sous le titre Moi Clément Duval, bagnard et anarchiste (Ed. Ouvrières, 1991) par Marianne Enckell du Centre International de recherches sur l’Anarchiste (CIRA) à qui le vieux militant individualiste italien Raffaelle Schiavina Max Sartin avait confié en 1980 le manuscrit écrit des mains de Duval.


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