Dictionnaire international des militants anarchistes
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DURUPT, Georges, Alfred
Né à Épinal (Vosges) le 24 juin 1880 - mort le 25 décembre 1941 - employé de commerce puis typographe ; correcteur - AIA - CGT - Epinal (Vosges) – Paris - Genève
Article mis en ligne le 24 mars 2007
dernière modification le 27 octobre 2023

par R.D.

Georges Durupt, d’abord membre du Cercle catholique d’Épinal, quitta en 1900 le domicile paternel et fréquenta les milieux libertaires. Il se présentait alors comme un jeune homme au visage maigre et pâle ; affligé d’une forte claudication de la jambe gauche — n’était-il pas amputé ? — il s’aidait d’un bâton pour marcher ; il fut exempté du service militaire.

En octobre 1901 il remplaça Louis Grandidier, qui venait d’être condamné, à la gérance du Libertaire.

En 1902, Durupt habitait à Deyvillers près d’Épinal et fréquentait assidûment l’anarchiste Victor Loquier, coiffeur à Épinal. Le 30 mars de cette même année, pour le vendredi saint, à l’issue d’un dîner gras chez Loquier, il fut arrêté avec 3 autres compagnons - Adam, Tachel, Virtel - par la police d’Épinal pour avoir mutilé des statues de saints qui ornaient une église de la ville. Le 18 avril, ave Tachel il fut condamné, par le tribunal correctionnel, à trois mois de prison et 100 F d’amende pour “dégradation d’objets d’utilité publique” tandis que Virtl et Adam bénéficièrent d’un non-lieu ; il fut libéré le 30 juin. Il avait été remplacé à la gérance du Libertaire par Francis Jourdain.

Dès cette époque, Durupt collaborait aux Temps nouveaux de Jean Grave. Partisan de l’action violente, possédant des talents d’orateur, il prenait souvent la parole au cours de réunions anarchistes. Il collaborait également au Libertaire dont il fut l’un des administrateurs - il avait remplacé Louis Grandidier poursuivi en octobre 1901 pour un article de Laurent Tailhade appelant à tuer le Tsar - et au journal Le Combat Social (Limoges, 35 numéros du 1er décembre 1907 au 21 mars 1909) édité par Jean Peyroux. En avril 1904 il avait été inscrit à l’état vert n°4 des anarchistes disparus et/ou nomades.

Il avait participé en avril 1907 à la fondation rue de la Grange aux Belles de la Fédération Révolutionnaire (de tendance anarcho-syndicaliste) au bureau directeur de laquelle il avait été nommé avec R. de Marmande, M. Almereyda, Goldsky et Tony Gall. La section française de l’Association Internationale Antimilitariste (AIA), créée en 1904, avait été sérieusement atteinte par la répression ; elle se reconstitua en mars 1908 et Durupt en devint le secrétaire. Le 2 juin 1908, des incidents eurent lieu à Draveil entre grévistes et gendarmes, qui firent deux morts et une dizaine de blessés. Durupt avait été arrêté le 7 juin lors d(une manifestation au cimetière pour avoir interpellé des soldats et avait été incarcéré à la prion de Corbeil puis de Versailles. La grève se poursuivant, une manifestation fut organisée le 30 juillet à Villeneuve-Saint-Georges, et sept autres ouvriers furent tués. Le 25 juillet, de la prison de Versailles, estimant qu’il allait être jugé en tant qu’anarchiste bien plus que comme antimilitariste, il écrivait : “Il faudra toujours s’attendre à payer quand on perd un partie avec de tels adversaires et j’estime que nous devons toujours, nous autres anarchistes, aller jusqu’au bout de l’action, autant pour faire comprendre aux foules qu’il ne s’agit que de déplacer la force pour être les maîtres que pour assurer devant l’adversaire notre dignité d’homme” (cf. Le Libertaire, 2 août 1908). Dans une autre lettre adressée à Matha, il ajoutait : “Traiter un détenu comme je le suis, c’est dire qu’il n’existe pas de régime politique. Vouer un homme à la gamelle et à la boule, c’est le déprimer, le tuer doucement” (cf. Le Libertaire, 9 août 1908).
Durupt, pour lequel Le Libertaire avait ouvert une souscription pour couvrir les frais du procès, fut condamné, le 7 août, par la cour d’assises de Versailles à trois ans de prison et 100 F d’amende “pour excitation de militaires à la désobéissance”. Il fut incarcéré à la prison de Clairvaux (Aube) où avec notamment Ruff il se barricada dans la même cellule pour tenter d’améliorer le statut politique. Délogé de force par la troupe, il fut transféré à la prison de Chaumont.

Remis en liberté en juin 1909, il organisa, fin septembre, le groupe « Les Révoltes qui tenta de publier un journal portant ce nom (Paris, 2 numéros du 25 septembre à novembre 1909) dont le gérant était René Dolié (voir ce nom).

Le 10 ou 11 novembre 1909, suite à l’article "La Volaille" paru dans L’anarchie du 4 novembre, Durupt accompagné de compagnons du Libertaire et de La Guerre sociale avait fait une descente au local des Causeries populaires rue du Chevalier de la Barre dans laquelle des coups de révolver avaient été tirés, le matériel de composition saccagé et Mauricius blessé à l’œil gauche d’un coup de poinçon.

Durupt participa alors à un essai de regroupement anarchiste sur le plan national, « la Fédération révolutionnaire » au comité directeur de laquelle il appartint. Ce fut un échec et Durupt, rêvant, au nom de l’efficacité, d’un « Parti libertaire » regroupant anarchistes et hervéistes, en fut quelque peu découragé (cf. lettres au docteur Pierrot, février 1910, citées dans Le Mouvement anarchiste en France). Il prit part alors, à l’occasion des élections législatives du printemps 1910, à l’action d’un « Comité antiparlementaire ». À l’issue de la campagne, ce comité donna naissance à une « Alliance communiste-anarchiste » dont le but était ainsi défini : “… une agitation publique alimentée par les circonstances et trouvant, dans chacune de ces circonstances, l’intensité et l’ampleur de sa propre action” (appel de Durupt dans Le Libertaire, 22 mai 1910). Il était à la même époque l’administrateur de l’imprimerie communiste L’espérance, située 1-3 rue de Steinkerque (Paris 18) qui employait une dizaine de compagnons et avait publié en décembre 1910 la brochure Pour l’innocent Durand tirée à 15.000 exemplaires et consacrée à la campagne en faveur de Jules Durand (voir ce nom). Il collaborait également à L’Insurgé (Limoges, 63 numéros du 20 mars 1910 au 29 mai 1911) dont le gérant état Petitcoulaud et qui avait fait suite à Le Combat Social. Georges Durupt avait été admis au syndicat des correcteurs en mai 1910.

Le 5 décembre 1910, il avait été l’organisateur de la petite manifestation tenue devant l’ambassade du Japon pour protester contre la condamnation à mort d’anarchistes japonais pour complot contre l’impératrice.

G. Durupt était alors membre du Club anarchiste communiste, dont le siège se trouvait 25 rue de Clignancourt (XVIIIe arr.) dont faisaient également partie Henry Combes, Vassili Gambachidze, Eugène Corrard, Auguste Dauthuille, Albert Goldschild, André Mournaud et Pierre Ruff. Ce groupe adhérent à la FRC, fut à l’origine de la publication de la revue Le Mouvement anarchiste.

En janvier 1911, lors d’un meeting tenu salle Fabien, 70 rue des Archives, il dénonça publiquement comme "mouchard" le militant de la FRC, Dudragne et l’expulsa du meeting ainsi que sa compagne Foncette Cavé. Il refusa ensuite de participer à un jury d’honneur constitué par la FRC, n’ayant pas de temps à perdre à discuter avec un individu “si peu intéressant”. Lors d’une conférence tenue en octobre 1911 au Clunb anarchiste communiste, il avait exprimé son mépris pour les individualistes “ces incapables, ces fous qui, au lieu d’aller parmi le peuple pour l’éduquer, s’en éloignent, se contentant de le mépriser et au besoin même de l’estamper lorsque l’occasion se présente”.

En 1912, Durupt vint habiter Épinal où il travailla comme typographe à l’Imprimerie nouvelle, rue des Minimes. Il collaborait à la Vrille (Epinal, 369 numéros en trois séries de 1901 à 1914), journal de Loquier, et il en était un des principaux rédacteurs. Il fut ensuite gérant, après Pierre Ruff, du n°6/7 et dernier numéro la revue mensuelle Le Mouvement anarchiste, organe du Club anarchiste-communiste (Paris, 7 numéros, de août 1912 à janvier-février 1913). En décembre, Durupt fut poursuivi pour avoir publié dans cette revue un article intitulé “Les anarchistes et la guerre”, et il se réfugia en Suisse. Il fut condamné par défaut le 17 février 1913, par la 9e Chambre correctionnelle de la Seine, à cinq ans de prison et 3 000 F d’amende pour “provocation au meurtre et à l’incendie”.

De 1915 à 1919, Durup collabora à l’organe bihebdomadaire La Libre Fédération (41 numéros du 2 octobre 1915 au 15 février 1919), paraissant à Lausanne sous la direction de Jean Wintsch, qui se montra favorable à la cause des Alliés et il défendit “le patrimoine démocratique et républicain” (cf. Plus loin, février 1930) ce qui lui valut d’être traité, ainsi que Pierrot, Malato, P. Reclus, d’“anarchistes guerriers” par Le Libertaire en 1921 (cf. n° 106, 21-28 janvier).

Le 19 octobre 1920, G. Durupt entra au Bureau international du Travail comme correcteur d’épreuves. Titularisé dans ses fonctions le 1er janvier 1922, il fut mis à la retraite pour raison d’invalidité à la date du 1er mai 1934. Le certificat de service qui lui fut alors donné est particulièrement élogieux.

L’épreuve de la guerre provoqua chez nombre de militants une remise en cause des principes. En ce qui concerne Durupt, nous sommes informés par sa collaboration à la revue Plus loin animée par le docteur Pierrot.
Selon lui “l’anarchisme doctrinal et dogmatique s’est vu bouleversé par les événements » (Plus Loin, 15 février 1926) et, écrivait-il dans le même numéro “mes certitudes à moi, comme les certitudes de plus d’un […] ne sont que des incertitudes”. Il estimait alors que la plupart des idées libertaires “étaient et demeurent des idées élémentaires” et que seule subsistait intacte “la morale de l’entraide”. Il ne s’agissait pas là d’une crise passagère, et, quatre ans plus tard, il écrivait encore (Plus loin, février 1930) : “Ne rusons plus : nous sommes des démocrates et des républicains.” Il ne condamnait plus alors le bulletin de vote et il estimait qu’“il y a État et État comme il y a fagots et fagots”. Et il concluait, rejetant tout Évangile : “C’est un chemin que nous prenons après un autre qui nous aura pris, lui, vingt bonnes années de notre vie et les trois quarts de nos illusions, non pas sur la vie, mais sur les hommes.”

Avait-il cessé pour autant d’être anarchiste ? Lui-même n’en convenait pas qui considérait l’anarchisme “beaucoup moins comme une doctrine arrêtée, aux contours précis, que comme une attitude particulière en regard de certains problèmes d’économie et de morale et comme une orientation générale » (Plus Loin, n° 73, mai 1931). Cinq ans plus tard, il assistait d’ailleurs encore au congrès de l’Union anarchiste.

Georges Durupt est mort le 25 décembre 1941.

COLLABORATIONS : La Vie ouvrière, 1919-1921. — Plus Loin, n° 1, 15 mars 1925 — n° 169, juillet-septembre 1939, notamment durant les années 1926-1931.


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