Dictionnaire international des militants anarchistes
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FRIEDRICH, Ernst
Né à 25 février 1894 à Breslau, Silésie (Pologne) - mort le 2 mai 1967 au Perreux Seine France. - Comédien - Breslau - Berlin - Bruxelles - La Garenne (Hauts-de-Seine)
Article mis en ligne le 15 juin 2007
dernière modification le 7 septembre 2023

par Pierre Sommermeyer, ps

Ernst Friedrich était le treizième enfant d’une mère blanchisseuse et d’un père sellier. Travaillant très jeune en usine, il suivait des cours du soir tout en voyageant à travers toute l’Europe. Lors du déclenchement de la première guerre mondiale, il était comédien au théâtre royal de Postdam et refusait d’endosser l’uniforme ce qui entraîna sa mise en observation dans un hôpital psychiatrique.

En 1916, il participait à Breslau à des réunions illégales de la jeunesse antimilitariste révolutionnaire, de caractère anarchiste. Pour éviter une nouvelle incorporation, il commettait en 1917 un acte de sabotage dans une entreprise d’une grande importance patriotique, et était emprisonné. Libéré au début de la révolution de novembre 1918, il participait aux évènements à Berlin et adhérait à la Freie sozialistische Jugend, organisation crée sous l’influence de K. Liebknecht et Rosa Luxembourg.
Il suivit ensuite les différentes scissions du mouvement de jeunesse et participa à la création de l’organisation de jeunes travailleurs Kommunistische Arbeiter Jugend, proche du KAPD. Dans ce courant la fraction communiste (KPD) lui proposa de rentrer à la rédaction du journal Junge Garde ce qu’il refusa.
A partir de ce moment, marqué par l’influence de Tolstoi et de Kropotkine, il allait professer un penchant pour le socialisme libertaire qui l’amènera à l’anarchisme

En 1919, il fondait une fédération de jeunesse révolutionnaire de langue allemande qui prit le nom de Freie Jugend qui était aussi le titre d’un journal financièrement soutenu au début par l’organisation anarcho-syndicaliste FAUD. la Freie Jugend n’avait ni permanent, ni cotisation fixe ; ses groupes présents dans de nombreuses villes d’Allemagne, étaient autonomes utilisant le journal comme fédérateur. Friedrich estimant que son organisation devait être indépendante de tout parti et organisation ouvrière, la FAUD cessait de le subventionner.

Il ne rejoignit pas les groupes qui sous l’influence d’Otto Rühle se prononcèrent en faveur de l’idée des conseils ouvriers comme principe d’organisation sur la base des entreprises, mais se consacra alors à l’antimilitarisme et au pacifisme.

A Berlin, il créa un lieu de rencontre pour la jeunesse anti-autoritaire. Dans cet endroit, au début des années vingt, il y aura une exposition permanente d’œuvres d’art faites par et pour des ouvriers, comme Käthe Kollwitz. Il voulait favoriser en cet endroit la rencontre entre des ouvriers, des peintres, des sculpteurs, des poètes ou des écrivains.
C’est à cette époque qu’il fut condamné à un mois de prison pour “propos antimilitaristes”.

E.Friedrich a pris une grande part aux campagnes en faveur de E. Mühsam emprisonné suite à sa participation à la révolution et a publié un numéro spécial de Freie Jugend sur Mühsam (1924) et un autre sur E. Toller.

Comme éditeur, il publia plusieurs ouvrages dont Krieg dem Kriege (Guerre à la guerre), sous la forme d’un album de photo contenant des images choquantes des atrocités de la guerre, avec en vis à vis des images officielles patriotiques et militaristes. Les textes étaient en quatre langues - allemand, anglais hollandais et français. Les syndicats mirent en vente ce livre, jusqu’en 1930, et 50.000 exemplaires furent vendus. En 1928, La Librairie sociale en avait publié une édition en français, italien et espagnol, préfacée par l’Union anarchiste (UA).

En 1923, il trouvait une maison qu’il aménageait et dans laquelle il créait le premier musée international anti-guerre et où il installait également une imprimerie et une librairie. Au printemps 1923 il fut condamné à 4 semaines de prison pour un article paru l’année précédente dans Freie jugend.
Le nombre de procès (incitation à la lutte de classe, offense au président du Reich, à l’église, etc.) qu’il allait encourir le conduisit à la faillite. Une association de soutien se créa, en 1930, pour lui permettre de continuer. Le 6 avril 1930, il était mis en prison à cause de ses publications et condamné pour haute trahison à un an ferme.

Dès sa sortie de prison et devant la montée du nazisme, il envoyait les documents les plus importants de son musée vers l’étranger. La Nuit de l’incendie du Reichstag il était arrêté et la SA saccageait le musée anti-guerre et réquisitionnait le bâtiment pour en faire leur local. Malade, il était libéré en septembre 1933, suite aux protestations des Quakers américains. Il était mis alors en résidence surveillée. Encourant d’autres poursuites, il s’enfuyait en Tchécoslovaquie puis en Suisse d’où il se faisait expulser en 1934. Il trouvait asile en Belgique où, avec l’aide des syndicats et parti ouvriers belges, il réussit à ouvrir un deuxième musée anti-guerre à Bruxelles.

Quand les troupes allemandes entrèrent en Belgique en 1940 le musée fut de nouveau détruit tandis qu E.Friedrich et son fils étaient évacués par l’administration belge vers la France. Ils étaient alors internés dans la France non occupée. Après l’occupation de la zone libre, Friedrich était condamné par contumace à mort et recherché par la Gestapo. Arrêté il réussit à s’enfuir et entrat alors dans la résistance. E. Friedrich, qui aurait sauvé 70 enfants juifs de la déportation, a appartenu à la 104 ème compagnie du 7eme bataillon des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI) dans le maquis Lozère.

Après la Libération, il devint citoyen français et adhérait au parti socialiste SFIO. A partir de 1947, reprenant son action antimilitariste il tenta en vain de recréer encore une fois un musée anti-guerre.

En 1951 il achetait une vieille péniche baptisée Arche de Noé. Elle était amarrée au quai de Villeneuve –La Garenne (Haut de Seine) et servait essentiellement à ses activités en faveur de l’amitié franco-allemande.
La même année le conseil municipal de Kehl (!) lui proposait un terrain de 1000 m² pour construire une maison pour des orphelins, des enfants handicapés de toutes nations ou religion. Mais Friedrich ne put pas trouver assez d’argent pour la construction. Il pensait alors voyager avec sa péniche le long du canal de la Marne jusqu’ à Strasbourg pour y organiser un camp international de la jeunesse. Mais ce voyage n’aura pas lieu non plus.

En 1954, il reçut des dédommagements de guerre de l’État allemand. Avec cet argent il achetait 3000 M2 de terrains sur une île dans la Marne près de la commune du Perreux. Il commençait alors l’édification d’un centre international de jeunesse avec 50 lits en tout. Cette "île de la Paix "devenait un lieu de rencontre pour la jeunesse ouvrière.

Ernst Friedrich est mort au Perreux le 2 mai 1967.

Notice de Wolfgang Hertle et Pierre Sommermeyer


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