Dictionnaire international des militants anarchistes
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ROGDAEV, Nicolas [MUZIL Nikolai Igniatevich dit ]
Né en 1880 dans le gouvernement de Moscou – mort en novembre 1932 - Russie – Paris – Suisse –
Article mis en ligne le 25 mars 2016
dernière modification le 7 septembre 2023

par Marianne Enckell, ps
Nicolas Rogdaev

Nikolai Ignatievich Muzil dit Rogdaev venait d’une famille noble d’origine tchèque. Dès son jeune âge il s’engagea dans le mouvement révolutionnaire et fut arrêté à diverses reprises. C’est probablement en Bulgarie qu’il fit connaissance des idées anarchistes communistes, qu’il ne cessa dès lors de propager.

Sa vie jusqu’en 1917 est une suite d’émigrations et d’exils. En 1900 il était en Europe, et fit notamment la connaissance de Kropotkine et d’Élisée Reclus. On le connaissait sous le sobriquet d’Oncle Jean.

En décembre 1904, il représentait le groupe exilé anarcho-communiste Khleb i Volya au congrès des communistes anarchistes russe à Londres. En septembre 1905, après avoir joué un rôle actif dans la révolution, il partait d’Ekaterinoslav pour Genève, où il collaborait au journal Khleb i Volya, rédigé par Georgi Goguelia, qui parut d’août 1903 à novembre 1905 (24 numéros).

A Paris en 1906, il fonda le journal Burevestnik (1906-1910) avec Maksim Raevskii (L. Fishelev, dit). Il collaborait également aux Temps nouveaux.

Le 3 juillet 1907, malade, il ne put présider le meeting international tenu 190 avenue de Choisy pour commémorer la mort de Bakounine où l’orateur principal fut James Guillaume. Il avait été remplacé à la tribune par le compagnon Pietrov assisté de Maria Goldsmith qui assurait la traduction en russe. Selon la police, une foule nombreuse avait assisté à ce meeting où prirent également la parole un anarchiste chinois, le géorgien Andronikov (Zabrezhnev ?), Cornelius en allemand et Samoulov en hébreu (ou yiddish).

En août 1907, il fut un des délégués russes au Congrès anarchiste international d’Amsterdam ; le rapport qu’il lut en russe ne fut guère compris, mais impressionna Amédée Dunois qui parla de “ce pâle jeune homme dans les yeux duquel brille une flamme étrange”. Le rapport, signé par Rogdaeff et Orlowski, parut en septembre dans les Temps nouveaux (n° 20 à 23).

En février 1908, il fut arrêté à Genève en compagnie de deux Russes, Titoff (?) et Vladimir Goldberg, et d’un Italien, Andrea Tibaldi (ancien collaborateur à l’imprimerie de La Ruche de Sébastien Faure), dans une imprimerie clandestine ; tous quatre furent expulsés de Suisse le 20 février.

En 1909, il publia à Paris un Almanakh, recueil de documents et de souvenirs portant sur les années 1903-1908. La même année, il traduisit et préfaça une brochure de Siegfried Nacht sur le mouvement ouvrier en Espagne. Il séjourna quelque temps en Catalogne où il prit part à la grève générale de 1911.

Néanmoins, Rogdaev-Muzil fut à plusieurs reprises accusé d’être un agent provocateur. Il avait été arrêté trois ou quatre fois par l’Okhrana et libéré au bout de quelques mois, ce qui avait éveillé les soupçons des « chasseurs d’agents provocateurs » comme Vladimir Burtsev en particulier. Bien qu’il ait été blanchi, Kropotkine notamment conserva une certaine méfiance à son égard. Rogdaev répliqua en faisant lui-même la chasse aux agents provocateurs, ce qui causa de sérieuses divisions parmi les anarchistes russes à Paris.

A Paris, il fut souvent orateur dans les meetings et réunions, entre autres en 1914 pour l’anniversaire de la naissance de Bakounine, aux côtés de Maria Korn (Goldsmith), Goguelia, Zabrezhnev, Sébastien Faure et Georges Yvetot. Le Libertaire publia des textes de Rogdaeff.
A l’occasion du 1er mai 1914, un meeting anarchiste international fut organisé 49 rue de Bretagne à Paris auquel devaient prendre la parole Pierre Martin et André Girard (Français), Georges Thonar (Belges), Christian Cornelissen (Hollandais) José Silavitse [Estivalis] (Espagnol), Vlasta Boreck pour la Fédération anarchiste Tchéque ainsi que des orateurs représentant les Russes - Rogdaev et Orgheani du groupe russe Labeur -, les Bulgares et les Polonais.

En 1915-1916 il était à Genève ; il fut l’un des orateurs le 1er mai 1915, avec Bertoni qui discourait en français et en italien et Paul Schreyer en allemand. Une correspondance de Rogdaev a été publiée dans Tierra y Libertad (Barcelone) le 2 juin 1915. Il s’opposa à la tendance de Kropotkine et participa au groupe russe qui publiait le journal Nabat pour le faire parvenir clandestinement en Russie. Il travaillait comme jardinier tout en suivant des cours de droit et de sciences sociales à l’Université. En 1916 il fit une conférence sur Ferdinand Domela Nieuwenhuis pour les 70 ans de ce dernier.

Rentré en Russie à la révolution, il fut actif dans les groupes et les publications anarchistes puis, en 1920, chargé de la propagande soviétique au Turkestan et jusqu’à Kaboul. Mais il rompit probablement après l’écrasement de la commune de Cronstadt. Il fut administrateur du Musée Kropotkine à Moscou et collaborateur de l’Association scientifique caucasienne de Tiflis. En 1927, il publia avec Vladimir Barmash, Germann Askarov, Alexei Borovoi, entre autres, un manifeste de protestation contre l’exécution aux États-Unis de Sacco et Vanzetti.

Arrêté en 1929 avec un grand nombre d’anarchistes, dont Otverjenny, Moudrov, Kaidanov, Francesco Ghezzi, Douchkine, Gavriline, et envoyé en camp trois ans, à l’"isolateur politique" de Souzdal, entre Moscou et Nijni Novgorod, il fut ensuite exilé à Tachkent où il mourut en 1932.

“Epuisé par les prisons, les maladies impossibles à soigner dans les conditions d’exil, les privations physiques et les tortures morales, l’anarchiste Nicolai Rogdaev, militant des révolutions russes et du mouvement révolutionnaire européen, tomba mort et fut ramassé… dans la rue Sacco-Vanzetti. Sa mort prématurée est la suite fatale de sa "condamnation" en 1929, la même qui nous frappa nous aussi, et qui nous expose, tous les deux, au même sort. D’ailleurs plusieurs parmi nous, surtout parmi les "vieux", sont voués au même sort. Mais nous ne pouvons attendre en silence le jour où le couperet tombera.” (lettre d’Andreiev, Le Réveil, 22 juillet 1934)

La voyageuse et photographe suisse Ella Maillart lui avait rendu visite à Tachkent, peu avant sa mort. Malgré sa mauvaise santé, écrivait-elle, “il est grand, fort, front puissant, moustaches blondes, yeux un peu trop ouverts, de tempérament vite excité”.

Nestor Makhno, qui l’admirait, prononça son éloge le 21 janvier 1933 à Paris ; le texte de sa nécrologie fut publié aux États-Unis par Probuzhdenie après la mort de son auteur. D’autres nécrologies furent publiées dans L’Action libertaire, Le Réveil anarchiste.

Son nom est couvent orthographié Rogdaeff ou Rogdaiev.

ŒUVRE : collaboration aux journaux cités – (NACHT, Siegfried) Ocerki po istorii rabocago dvizenii v Ispanii / Zigfrid Nacht ; s predisl. i primec. N. Rogdaeva. [Genève] : [s.n.], 1909, Anarchiceskaja biblioteka ; 1. 47 p. – Almanakh : sbornik po istorii anarchicheskogo dvizheniia v Rossii = Almanach anarchiste, Paris, 1909.


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