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DHOOGHE, Charles, “Léon WOLBRE” ou “Léon WOLKE” ?
Né le 9 mars 1878 à Roubaix (Nord) - mort en octobre 1962 - ouvrier tisseur, puis courtier - AIA - FCAR - SIA - CGT - Lille (Nord) – Reims (Marne) - Paris
Article mis en ligne le 4 mars 2007
dernière modification le 27 octobre 2023

par R.D.
Charles Dhooghe (1923)

Tout jeune, Charles Dhooghe (parfois orthographié D’Hooge), qui était d’origine Belge, s’orienta vers l’action syndicale révolutionnaire. Début février 1898, alors qu’il se trouvait à la Brasserie libertaire de Roubaix, il fut arrêté lors d’une perquisition et accusé d’être l’auteur d’un article signé Léon Wolke paru dans le journal La Cravache. Le rédacteur de l’article Auguste Philippe, réfugié à Londres, le revendiqua, dans une lettre datée du 12 février et adressée à un compagnon pour qu’il la rende publique, où il écrivait notamment : “J’apprends par des journaux que des poursuites sont lancées contre Charles pour des articles que j’ai fait et signés Léon Wolke. Il serait injuste que ce camarade soit inquiété pour des articles qu’il n’a ni faits, ni signés… Si j’ai pris le pseudonyme de Léon Wolke… c’est uniquement pour faire croire à un plus grand nombre de rédacteurs qu’il n’y en avait en réalité à La Cravache et montrer ainsi que, moi disparu, il en restait d’autres pour continuer la lutte. Je te prie don de faire insérer cette note, afin que tous sachent que seul je suis responsable des articles incriminés et signés Léon Wolke”. (cf. Le Père Peinard). Malgré cette lettre - mais était ce une façon pour Philippe de couvrir Dhooghe ? - Charles Dhooghe fut écroué à Lille pour “provocation au meurtre” puis expulsé par arrêté du 2 mars. Ayant été toutefois naturalisé peu après, l’arrêté fut rapporté le 7 septembre et il fut incorporé en août 1898 et ne fut libéré du service militaire qu’en septembre 1902.

Le 17 octobre 1898, alors qu’il se trouvait sous les drapeaux, il fut poursuivi avec Flaustier par la cour du Brabant à Bruxelles pour "provocation non suivie d’effet à commettre des crimes" après s’être réjoui, lors d’une réunion publique, de l’insurrection cubaine et de l’exécution en Espagne de Canovas par Angiolillo. Il fut condamné par défaut à 1 an de prison tandis que Flaustier écopait de 3 mois de prison et 50 francs d’amende.

Au printemps 1903, il était toujours à Roubaix où il proposait de publier une feuille syndicaliste révolutionnaire L’Ouvrier libre (paru ?) puis il quitta le département du Nord, pour se fixer à Reims (Marne) et, au mois d’août, fut délégué par Reims, Amiens, Roanne et Roubaix au congrès de la Fédération du Textile. Il créa, en 1904, Les Feuilles rouges, autographiées : le n° 1 parut le 23 septembre, le dernier — n° 13 — le 18 décembre : le tirage était de 400 exemplaires, on comptait 90 abonnés (Bibl. Nat. Jo 8 556). Sous-titré Tablettes libres et imprimé sur du papier rouge, le journal portait en épigraphe la maxime de Chamfort “On ne nettoie pas les écuries d’Augias avec un plumeau.”. Fin septembre il avait été le signataire avec Jean Bourguer, V. Grimbert et Louis Maillard d’un appel aux anarchistes de Reims qui débouchera sur la formation du groupe Les Iconoclastes lors d’une réunion tenue le 27 septembre au café Corominés à laquelle participèrent 24 compagnons dont Beauvilain, Deverly, Prudhomme, Boucher, Lossing, Liénard, Boucher et Quirin.

Puis, en 1906, il fonda l’hebdomadaire La Cravache, édité à son domicile, 73, rue Duruy, à Reims, et qui compta 115 ou 117 numéros du 15 décembre 1906 au 29 novembre 1913 (Bibl. Nat. Jo 12 827 et 91 972, collection incomplète) et dont il était le pricipal rédacteur avec Jean Bourguer et Victor Grimbert et où il est l’auteur (en 1907 ou 1908) de quelques dessins. Le 1er février 1906, la cour d’assises de la Marne le condamna à trois mois de prison pour affichage de placards antimilitaristes et provocation de militaires à la désobéissance. Lors de l’audience il avait déclaré : “Je hais l’armée parce qu’elle garde le capital ; tout ouvrier doit la haïr, et si vous me condamnez, j’irai en prison la tête haute le cœur content, l’esprit satisfait”. Il était alors le secrétaire du groupe local de l’Association internationale antimilitariste (AIA) et demeurait rue Duruy. En mai 1907, avec Auguste Legros, Albert Dommange et Julien Remy, il fut l’objet de plusieurs procès verbaux pour affichage sans timbre d’un placard antimilitariste (la 4e de couverture du journal La Cravache) et annonçant la conférence de Miguel Almereyda du 11 mai.
En juillet suivant il fut à nouveau poursuivi avec Dommange et Remy pour avoir manifesté dans la soirée du 13 juillet et le lendemain aux cris de “Vivent les mutins ! Vive le 17e !

Le 12 octobre 1907, il avait terminé une conférence à Reims par les cris de “A bas les armées, les polices, les patries, les religions ! Vive la révolution sociale !”.

Le 17 octobre 1910, suite à un article paru dans La Cravache lors de la grève des cheminots et incitant au sabotage des voies ferrées, il fut l’objet comme Grimbert d’une perquisition et se réfugia alors à Mons avant de bénéficier le 1er avril 1911 d’une ordonnance de non-lieu. En août suivant il participait dans le Nord aux manifestations contre la vie chère. Avec entre autres G. Toutlemonde, F. Drumelle, B. Colombari, il figurait alors sur une liste d’anarchistes de Reims.

En mai 1912, suite à une réunion publique du Comité de défense sociale de Reims où il avait pris la parole avec Victor Grimbert, il avait fait une quête en vue de publier un nouveau journal, La Lutte ouvrière (sans doute non paru), devant remplacer La Cravache.

C’est à cette époque que, mis à l’index, il cessa de travailler comme ouvrier du textile et devint courtier au « Planteur de la Martinique ». Il prit part, du 8 au 16 octobre, au XVe congrès national corporatif — 9e de la CGT — tenu à Amiens. Inscrit comme “voyageur en anarchie” à l’hôtel où il était descendu, il se prononça au congrès contre la politique socialiste dans les syndicats (compte rendu pp. 137-139) et signa l’ordre du jour syndicaliste révolutionnaire présenté par Griffuelhes. Il exposa également, au nom de l’Union des travailleurs de l’industrie lainière de Reims, la question du pain gratuit, que, dès 1895, des anarchistes avaient déjà soulevée ; elle ne fut pas discutée. En 1913, il organisait à Paris une série de conférences pour « l’anarchisme ouvrier » qu’il opposait à l’individualisme anarchiste.

Au printemps 1913, au nom de la Jeunesse syndicaliste révolutionnaire et du Comité de défense sociale, il fut également l’organisateur et orateur de plusieurs meetings tenus à Reims et dans le vignoble (Oluzy, Violaine, Cumières, Cuisles, Jonquery, Dizy…) contre la loi de 3 ans ; suite à divers troubles survenus dans des régiment et de cette campagne contre la loi de 3 ans, il fut l’objet le 26 mai 1913 comme plusieurs autres anarchistes locaux – dont R. Galli, V. Grimbert, Hanikenne, Louis Pichon – d’une perquisition à son domicile du 37 rue du Mont d’Arène. I était alors le secrétaire du groupe de la Fédération communiste anarchiste révolutionnaire (FCAR). Le 9 novembre suivant, il était condamné à Reims à trois mois de prison pour incitation de militaires à la désobéissance suite à des articles parus dans La Cravache dont le gérant Lefevre était également condamné à un mois de prison. Nous ignorons quels furent son attitude et son rôle durant la guerre.

En août 1913 il avait participé au congrès anarchiste national dont il écrivit : “J’ai la conviction que le congrès a rendu un fier service à l’Idée. J’aime passionnément l’Anarchie - ma maîtresse intellectuelle depuis 17 ou 18 ans - et cependant, je l’avoue, depuis quelques années, je ne la fréquentais plus sans éprouver quelque malaise. C’est que la belle, abusée par je ne sais quels mirages s’était laissée aller en de mauvaises fréquentations à prendre le pire renom d’excentricité qui se puisse rêver : l’individualisme. Eh bien ! il n’en sera plus rien… les anarchistes ont su enlever les oripeaux burlesques dont on l’avait entourée, l’arracher des mains de ceux qui l’exploitaient”.

Pendant toute cette période précédant la guerre il avait collaboré à un grand nombre de titres de la presse libertaire francophone dont : L’avant-garde (Paris, 46 numéros du 23 avril 1905 au 4 mars 1906), Le Batailleur (Lille, 14 numéros du 20 janvier au 21 avril 1900), La Cravache (Roubaix, 11 numéros du 14 novembre 1897 au 22 janvier 1898) dont le gérant était André Philippe Léon Wolke, L’Exploité (Bruxelles, 21 numéros du 5 mars au 5 novembre 1911), Germinal (Amiens, 391 numéros du 19 novembre 1904 au 27 juillet 1914) bulletin du Comité des 8 heures, le quotidien La Révolution (Paris, 56 numéros du 1er février au 28 mars 1909) qui avait été fondé par Émile Pouget.

En 1921, il se fixait à Paris où il poursuivait la propagande anarchiste. Abonné au Libertaire, il fit partie des « Amis de l’Encyclopédie anarchiste » que S. Faure acheva de publier en 1934, et pendant la guerre d’Espagne de l’association libertaire Solidarité internationale antifasciste (SIA). Lorsque furent créées les caisses d’assurances sociales, on lui confia la direction de la clinique médicale « Le Travail » où ses qualités d’organisateur s’employèrent utilement. Il la conserva jusqu’à la Seconde Guerre mondiale et sous l’Occupation.

Sous le gouvernement de Vichy, Dhooghe qui vivait alors à Saint-Étienne, se déclara en faveur de la Charte du Travail de “l’ oeuvre de réconciliation voulue par le Maréchal” et il fut secrétaire du « Centre syndicaliste de propagande » et fit à ce titre plusieurs conférences de propagande, notamment le 4 avril 1942 à Reims. Il collaborait également au journal L’Atelier. Il fit un voyage d’étude en Allemagne puis vanta à son retour, les bienfaits de la collaboration entre les classes. Ce ralliement était il inconditionnel ? Dans une lettre de 1946 adressée à R. Gérard, Dhooghe expliquait qu’il avait pu ainsi, en pleine Occupation, et grâce à sa position, sauver la vie d’une vingtaine de militants dont celle de V. Grimbert qui s’était évadé du camp d’Aurenc. Au reste, à la Libération, Dhooghe, qui s’était incontestablement compromis, ne fut pas poursuivi car il put faire état de services rendus à la résistance, sa clinique ayant servi à cacher des armes et des résistants.

Franc-maçon, Dhooghe était affilié à la Grande Loge de France. Il était retourné à la libération à paris où il resta jusqu’à sa mort dans un appartement di 11e arrondissement, 9 passage Saint-Pierre Amelot.
Charles Dhooghe a été incinéré le 4 octobre 1962 au cimetière du Père-Lachaise à Paris.

Selon Jean Maitron il aurait utilisé le pseudonyme de Léon Wolke qui selon René Bianco serait le psudonyme d’André Philippe.


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